Le Vmax Yamaha est-il une moto vintage ? Pour tous ceux qui l’ont piloté et ont conduit une moto moderne, assurément oui, même s’il a été présenté à Las Vegas en 1984 et n’est sorti qu’en 1986 en France !

Vmax et moi

Dans les 90s, un groupe de concessionnaires prête des motos pour essai sur le routier de Monthléry. Je viens du moto-cross et de l’enduro et j’envisage mon premier achat de moto de route. Le Vmax m’a tapé dans l’oeil et après quelques motos insipides, j’en tiens un. À l’entrée d’une courbe rapide je bloque la roue arrière. La moto part à l’équerre, se retourne, éparpille tout ce qui dépasse et je finis en drapeau dans une interminable glissade accroché à la béquille latérale qui s’est déployée et a traversé mon jean. Mémorable gamelle, mais après des excuses polies au gentil concessionnaire (il est assuré), je décide que sacré nom d’un chien, c’est la moto qu’il me faut !

J’ai eu deux Yamaha Vmax et j’ai fait plus de 150 000 km avec, qu’il pleuve, vente, neige ou verglace parfois. Je n’ai jamais eu d’autre moto de route perso. Mon deuxième finira près de ma cheminée quand je n’aurai plus la force et Le Fils en héritera.

C’est un ″Silver Dust″ de 97, gris métal, simplement équipé de Marving coudés, filtre K&N, embrayage renforcé Barnett et petits clignos. Tous les alus ont été polis pour éviter la corrosion. Il est monté en pneus Avon plus efficaces que les Metzeler d’origine contre le guidonnage, et ses boisseaux de carbu ouvrent à fond. Passé au banc à 100 000 km il sort encore 119 chevaux.

Le moteur avait toutefois été refait à 30 000 km suite à un défaut connu de lubrification du palier de bielle arrière droite, un peu trop sollicitée un jour qu’on arsouillait à 200 à 2 sur la moto sur l’autoroute de Dijon… Car le Vmax c’est comme les Dauphine, il tient mieux la route chargé !

Vous avez remarqué ? On dit une moto mais UN Vmax. Car un Vmax c’est d’abord un moteur. Avec 4 cylindres en V, 16 soupapes, 4 arbres en cames en tête entraînés par chaîne, 4 carburateurs double-corps, et le système Vboost sur les modèles américains, c’est une cathédrale mécanique de 1200 cm3, une moto hors normes à l’époque ! 145 chevaux en full power.

Vmax V4 1200

Autour du moteur il y a un cadre, pas très rigide, aux tolérances de fabrication… industrielles. Pensez, roues avant et arrière ne sont pas exactement alignées et le déport varie d’un modèle à l’autre, pouvant générer des comportements différents à haute vitesse. Car pour parvenir aux plus de 220 km/h revendiqués, il vous faudra souvent franchir un certain guidonnage…

Mais le Vmax n’est pas fait pour rouler vite, il est fait pour ac-cé-lé-rer. Conçu par un bureau d’études américain (Ed Burke et le cabinet GKDI), il est pensé au départ pour des américains dont le cœur cogne comme un V8, et qui raffolent de courses de dragsters. Le Vmax sera le roi du 400 m départ arrêté entre 2 feux rouges, sûrement plus à l’aise sur le trottoir du Joe Bar Team que dans Bray Hill*. A l’époque il prenait n’importe quelle moto à l’accélération.

*Ile de Man, Tourist Trophy

Yamaha VmaxDes roues atypiques, 18 pouces à l’avant, 15 pouces à l’arrière, n’acceptent qu’un éventail limité de gommes (toutes les motos sportives sont en 17 pouces).

On dit que le Vmax ne freine pas. Si, il suffit de tirer fort sur le levier et on bloque la roue avant ! 2 disques flottants diamètre 298 mm et des étriers 4 pistons font le boulot à l’avant, mais les choix de gomme limités et le poids, 285 kg en ordre de marche, incitent à la prudence. Un Vmax ne tient pas la route ? Parce que souvent on n’ose pas. Mais ceux qui osent frottent malgré la garde au sol et ça tient.

Le mini réservoir de 15 litres donne une autonomie comprise entre 200 km et… une demi-heure, quand les radars n’existaient pas (j’ai vérifié !). Le réservoir est sous la selle en 3 parties et le faux réservoir est en fait un capot amovible qui cache le filtre à air et les 4 trompettes d’admission. Le Vmax trompe son monde aussi avec ses fausses et caractéristiques écopes latérales qui cachent d’un côté le remplissage d’eau, de l’autre des relais électriques.

La transmission secondaire est à cardan en sortie de boite et couple conique dans la roue, assurant la propreté de la roue et la tranquillité du pilote.

Le Vmax, grâce à son couple à bas régime, est finalement une formidable machine de balade. Ses accélérations permettent de se débarrasser instantanément des voitures diesel qui gênent et polluent devant et son autonomie limitée fait qu’on s’arrête souvent pour le contempler…

Jean-Claude Olivier
Jean-Claude Olivier

Vmax le Club

En 1999 je découvre Vmax Le Club, un club parisien qui a rayonné bien au-delà de nos frontières, reconnu par Yamaha France et son regretté Président Jean-Claude Olivier qui m’a reçu plusieurs fois avec le club dans son vaste bureau de Saint-Ouen-l’Aumône. JCO a tant fait pour obtenir l’importation de ce modèle et pour sa renommée : prêt gratuit de 10 motos à des people de Saint Tropez pour créer le buzz en 1985, wheeling en costume dans les allées du Salon de l’Auto et ailleurs…

Vmax Le Club 2001 au Château de Breteuil, Le Père et Le Fils sont sur la photo

J’ai animé pendant plus de 10 ans le site Internet de ce club, vmaxleclub.com, clins d’oeil à Ivan qui l’avait créé et à Régis qui a pris la suite de ce sacerdoce. J’ai accumulé dans ce club une montagne de souvenirs plus ou moins avouables au cours de virées mémorables en Espagne, en Belgique, en Hollande (638 Vmax sur le Pier de Scheveningen…), sur la Riviera, dans les Cévennes ou en Corse (clin d’œil à Pascal de Bastia et à Jean-Louis, formidable organisateur de Vmax Tours…).

 

Sur le Pier de Scheveningen en 2005

Souvenirs du club :

Le Vmax 1200 s’arrête en 2003 en France (il restera au catalogue US jusqu’en 2007) et en 2005, je prête mon Vmax, nettoyé à la brosse à dents, à Moto Magazine pour un comparatif. Avec 3 autres amateurs, un photographe et un pilote essayeur pro, nous partons pour une virée mémorable de 3 jours sur les petites routes du Nord de la France. A l’époque encore, le Vmax soutenait la comparaison avec des motos récentes et typées.

J’ai organisé de nombreuses balades pour Vmax Le Club et conduire une troupe de 20 ou 30 Vmax est une expérience inoubliable, tantôt à la tête du groupe, impressionné par la puissance contenue grondant derrière moi et remplissant mes rétros, tantôt derrière sur les petites routes, admirant le long chapelet de machines scintillantes enfilant descentes et virages, le regard étonné des gens sur le pas de leur porte, les signes des enfants émerveillés, les voitures qui s’écartent, la maréchaussée pétrifiée : c’est la balade en Vmax.

En 2010, le club s’essaye aux courses de dragster sur la piste du Pêchereau dans l’Indre et je fais partie du voyage. Encore une incroyable expérience, quand il faut burner pour chauffer sa gomme, puis fixer l’arbre de Noël qui règle la procédure de départ 2 par 2 sur une piste d’aérodrome…

 

Tuning

Impossible de parler Vmax sans parler tuning. Toutes sortes de préparateurs se sont intéressés à cette moto à si fort potentiel et ont commencé par lui mettre des roues de 17 pouces pour accéder à des gommes performantes, des grosses fourches plus rigides, l’ont rhabillé entièrement avec des écopes XXL, des carters redessinés, parfois transparents pour voir tourner l’embrayage, des coques polyester, des roues monstrueuses obligeant à des bras oscillants déportés et toutes sortes d’accessoires en aluminium brossé ou poli, le faux réservoir inspirant quant à lui les meilleurs peintres à l’aérographe…

Certains ont donné dans l’extrême, je vous en ai choisi deux : La Gulf équipée d’un compresseur, d’une prise d’air périscope et d’une transmission à chaîne de Didier, le Versaillais dont on a déjà parlé, et la Raats V-max Motoren d’un préparateur hollandais :

Vmax 1700

Après que le Club lui ait gardé la réputation du 1200 au chaud, et non sans l’avoir consulté plusieurs fois car la France aura été un des meilleurs clients du modèle, Yamaha se décide à donner un successeur au 1200 avec le Vmax 1700, conçu au Japon et présenté au Mondial du 2 roues en 2007. Jean-Claude Olivier nous disait, on ne refera plus jamais de motos comme çà, l’heure est aux scooters… Et pourtant ils l’ont fait, pour la gloire, car il ne s’en vendra jamais autant. Tous les défauts du 1200 sont effacés dans cette fabuleuse machine capable de 200 chevaux en full power, mais c’est une autre histoire qui sort du cadre de ce blog.

Vmax 1700 – photo Vmax Le Club

On voit ici Gérard Depardieu avec JCO au micro, lors de la mémorable journée de lancement du 23 juin 2008 où une centaine de Vmax 1200 sont partis de la Concorde, ont remonté les Champs et descendu la Grande Armée pour se rendre à l’invitation de Yamaha France, au nez et à la barbe de la préfecture non prévenue ! Jean-Claude Olivier nous attendait en cours de route avec son 1200 perso, magnifiquement tuné.

Le Vmax 1200 aujourd’hui

Le Vmax noir c’est celui de Michel, doyen du club, dans un état concours strictement d’origine, un collector éternel. On a déjà parlé de Michel, collectionneur auto-moto et de sa BMW à laquelle vous ne vous attendez certainement pas… 2 ou 4 roues ?

Yamaha Vmax

Yamaha Vmax

Je ne roule plus beaucoup en Vmax, préférant m’amuser sur 4 roues. On a chacun son capital chance au départ et le mien doit être épuisé depuis longtemps. Je crains le game over définitif. Mais quand il fait beau, la vallée de Chevreuse et ses 17 tournants m’appellent… Je ne m’en lasse pas et je remarque depuis quelque temps qu’il attire l’œil de nouveau. Les passants s’attardent, vous abordent… Le Vmax 1200, qui fut exposé au Musée d’art moderne Guggenheim de Bilbao dans une expo consacrée à l’art de la moto, entre petit à petit dans la légende.

Contact. Run. La pompe électrique remplit les cuves de carbu asséchées. Start. Les side pipes commencent à cracher le bruit sourd et rauque du V4… Putain, quelle machine !