La saga Michel Vaillant en bande dessinée a été créée en 1957 par Jean Graton sur le thème du sport automobile. Elle a donné lieu à 70 albums ! Vaillante a été imaginé comme une sorte de Ferrari à la française, construisant voitures de série et voitures de course et participant à de nombreuses disciplines du sport auto : Formule 1, Indycar, 24H du Mans, rallyes, Pikes Peak, et même courses NASCAR. La vedette en est Michel Vaillant, coureur automobile et fils du constructeur.
Le Grand Défi est le premier album, sorti en 1959 sur le thème de la Formule 1, des 500 Miles d’Indianapolis et des 24H du Mans.
Jean Graton (décédé en 2021 à 97 ans) s’était rendu régulièrement sur les circuits, et était devenu l’ami de nombreuses personnalités du sport auto comme Jacky Ickx ou Alain Prost qui trouvera sa vocation dans la lecture de ses albums.
Au travers de ses dessins, Jean Graton et ses successeurs ont suivi toute l’évolution du sport auto et des voitures de sport jusqu’à nos jours. La période qui nous intéresse ici est bien sûr la période vintage des années 60, avec les monoplaces « cigar shape » sans appendice aérodynamique, déjà testées à la Classic Racing School du circuit de Charade.
Inspiré par la Classic Racing School créée par Julien Chaffard, Thierry Place, en accord avec Jean-Louis Dauger qui gère la marque Vaillante, a créé en 2021 son école de pilotage sur le même type de monoplace fabriquée à la main en Irlande par la marque historique Crosslé : la Crosslé 90F, réplique de Formule Ford Crosslé 16F de 1969. Mais il a fait dessiner une carrosserie spécifique reprenant le dessin de la Vaillante F1 1966 apparue dans l’album L’Honneur du Samouraï et en a fait construire 10 exemplaires exclusifs.
Le 30 avril je me retrouve donc sur le circuit de Vendée à Fontenay le Comte avec une douzaine d’autres pilotes, pour se glisser le temps d’une journée dans la peau de Michel Vaillant. Le Grand Défi est justement le nom du stage que la structure Vaillante Académie déplace partout en France et en Belgique pour des journées comprenant 6 séances de roulage. Deux femmes font partie du groupe.
La veille tout le staff est à l’hôtel Rabelais et j’ai la joie avec 3 autres de partager la table des organisateurs avec Delphine, les 2 mécanos et les instructeurs. Je retrouve avec plaisir Pierre Sancinéna, qui m’avait coaché aussi à la Classic. Pierre court cette année le championnat d’Europe GT4 sur une berlinette Alpine 500 chevaux et a couru en LMP2.
La Vaillante Crosslé 90F
C’est donc la même voiture que celles de la Classic avec une carrosserie et une finition spécifiques, volant cuir et levier de vitesses frappés du logo Vaillante. Chassis tubulaire étroit et suspensions triangulées, freins à disques, inboard à l’arrière. Elles sont mues par un Ford Zetec 4 cylindres 2 litres 16 soupapes à 2 ACT et à carburateur double corps. Le graissage est à carter sec avec une bâche à huile séparée. Le réservoir à carburant ne contient que 15 litres et les mécanos ravitaillent à chaque séance. Le moteur est bridé à 110 chevaux et accouplé à une boite Hewland à crabots 4 rapports, autre grand nom de l’époque, Les pneus sont des Dunlop Racing gommes dures semi-chauffantes adaptées à la pluie, en 4,5 pouces de large à l’avant et 5,25 à l’arrière sur roues de 13 pouces. Les voitures pèsent seulement 420 kg à vide, ce qui leur donne de belles performances. Données pour 190 km/h, elles sont surtout capables de temps au tour équivalents à ceux de Ferrari ou Porsche GT bien plus puissantes !
Le tableau de bord comprend un gros compte-tours central, un mano de pression d’huile à surveiller en cas de tête à queue ou de sortie de piste qui peut faire sauter la courroie de pompe à huile, un mano de température d’eau. Il y a un voyant de pression d’huile et un voyant de contact. On trouve le coupe-circuit à gauche, puis la commande d’extincteur. A droite on a le répartiteur de freinage, le bouton start et les 2 interrupteurs pompe à essence et contact.
Le stage
Nous sommes accueillis à 8h sur le circuit par Delphine sous un grand auvent adossé au semi-remorque de la Vaillante Académie qui arbore le portrait de Michel Vaillant. Elle nous remet un sac contenant sous-vêtements, cagoule, gants, chaussures et combinaison de pilote homologués aux couleurs de Vaillante et à la taille de chacun. Autour d’un petit déjeuner, Pierre Sancinéna déroule le briefing, décrivant le fonctionnement des monoplaces, les trajectoires, les drapeaux et feux, les consignes de sécurité, le circuit.
On part ensuite en voiture en tours de reconnaissance avec les instructeurs. Comme à la Classic, chaque virage est marqué de 2 cônes visualisant le début de la zone de freinage fort en ligne, un cône pour le point de braquage et de freinage dégressif, un cône pour la corde et un cône à viser pour la sortie. Les cônes sont placés de façon à induire une corde reculée, sacrifiant l’entrée de virage au profit de la sortie à vitesse maximale, tout gain se répercutant dans toute la ligne droite qui suit.
Nous sommes répartis en 2 groupes et je partage la numéro 2, celle qui justement apparait souvent dans l’album L’Honneur du Samouraï, avec un Patrice de même taille que moi, les voitures étant préparées au gabarit de chacun.
Je suis dans le premier groupe et on s’installe dans les autos. Les volants sont enlevés et on monte les 2 pieds dans le baquet avant de se laisser glisser au fond en position couchée sous le tableau de bord au dessus de l’extincteur. Une fois installé, on peut toucher le sol avec la main sur le côté de la voiture, tellement on est bas. Un soin particulier est apporté par les instructeurs et les mécanos à notre installation et au verrouillage du harnais 6 points à boucle centrale, afin que chacun se sente à l’aise. Si besoin, les mécanos procèdent à un ultime réglage du pédalier et des rétros qui offrent très peu de visibilité vers l’arrière, entre le chassis et la roue.
On trouve les pédales à tâtons, à droite accélérateur et pédale de freins le pied contre la colonne de direction, à gauche appuie pied et embrayage, comme sur une voiture à boite manuelle.
Les casques sont fournis et permettent d’accrocher le système Hans que j’avais déjà utilisé en voiture NASCAR et qui tend à se généraliser en sport auto.
On est vraiment très à l’étroit bras tendus mains sur le volant à 10h10 et j’ai le coude qui bute contre l’habitacle aux changements de rapports. C’est beaucoup plus étriqué qu’un cockpit de Formule Renault.
Pour démarrer, enclencher le coupe-circuit à gauche, abaisser les 2 interrupteurs pompe à essence et contact à droite, puis appuyer sur le bouton de démarreur après avoir débrayé et vérifié le point mort. L’embrayage est progressif comme sur sa propre voiture et tout le monde part sans caler.
On part pour une première série de tours en file indienne derrière un pace car afin de commencer à s’acclimater à l’auto, à la dureté des freins, aux changements de rapports qui doivent être volontaires (boite ferme à crabots non synchronisée) et au débattement réduit du volant. Puis après un court arrêt aux stands, Pierre nous lâche un par un afin de nous répartir sur le circuit pour une première série. Chacun roule à son rythme en fonction de son expérience passée et les plus rapides doublent les plus lents sans problème sur cette piste large et dégagée bordée d’herbe, avec visibilité partout. C’est celui qui dépasse qui est responsable de la manœuvre mais j’ai l’œil dans les rétros et je n’hésite pas à lever le bras pour laisser passer car mon petit doigt me dit qu’il y en a un ou deux qui roulent avec un moteur débridé à 150 chevaux 😉
Les sessions durent 20 minutes avant de céder sa voiture au 2ème groupe et d’aller se désaltérer car on transpire très vite !
On en enchaine 3 le matin et 3 l’après-midi, 20 minutes chacune, et croyez-moi ça suffit !
Il y a eu très peu d’incidents, toutes les voitures ont bien fonctionné et pour ma part j’ai réussi à ne faire aucun tête à queue, mais l’âge commence à se faire sentir ! Les voitures sont vraiment plaisantes à piloter bien que totalement inconfortables, accélèrent correctement, freinent fort si vous appuyez sur la pédale. En virage, on ne prend pas les G d’une Formule Renault 2.0, bien plus évoluée avec ses 210 chevaux, sa coque carbone, ses pneus slicks à gomme chauffante et ses appuis aéros. Cela en fait des autos de course tout à fait accessibles à tous et vraiment aucune expérience préalable n’est requise.
A la pause bienvenue, un traiteur sert le déjeuner avant de repartir pour 3 sessions l’après-midi. On peut vraiment se faire plaisir alors en confiance, avant d’aborder la dernière session avec prudence, la fatigue se faisant sentir. Entre les sessions, les instructeurs répartis sur le circuit corrigent vos fautes. Ils peuvent même vous arrêter en milieu de ligne droite sur un point de stationnement afin de vous corriger.
A la fin de la journée, une collation permet de se rafraichir, d’échanger ses impressions, de choisir un élément de la collection Vaillante Académie, combinaison, montre Yema Michel Vaillant, accessoires divers et tableaux plexiglas du plus bel effet reprenant des planches d’albums. Chacun repart avec un exemplaire de l’Honneur du Samouraï où il retrouvera sa voiture !
Un photographe et un caméraman ont immortalisé la journée, chacun a été interviewé comme s’il était Michel Vaillant. Les photos et les vidéos enregistrées depuis des caméras dans la visière du casque nous ont été envoyées dès le lundi, avec un montage spécifique pour chacun d’un grand professionnalisme. Bravo à la Vaillante Académie !.
Le circuit
Le circuit développe 2400 mètres et est plat. Après la ligne droite de départ se présente un premier gros freinage sur une parabolique droite à 180°. On ré-accélère et court freinage pour un double gauche dont seul le 2ème est à prendre à la corde. Ensuite c’est un enchainement de courbes à fond assez difficiles à appréhender et à s’y placer, au début je n’ose pas y mettre la 4, avant un freinage en appui et un pif paf droite-gauche serré qui conduit à l’épingle à droite au bout du circuit. Cette épingle est capitale car elle commande la longue ligne droite qui suit, plus de 700 mètres coupés par une chicane à plots. Énorme freinage à l’autre bout du circuit pour aborder une autre parabolique à droite qui ramène sur la ligne droite de départ.
Le moteur est assez souple pour faire tout le circuit en 3 et 4. Seuls le pif paf et l’épingle du bout peuvent nécessiter la 2 si on chasse le chrono.
Le volant Michel Vaillant X Yema
Ce volant a été créé l’an dernier et se tient sur 3 jours où les candidats qui doivent être sans palmares sont testés au volant et au sein de la vie en groupe avec les instructeurs qui les conseillent et les font progresser. Le vainqueur gagne une saison de Formule Ford historique tous frais payés. Le volant s’adresse plutôt à des candidats d’un certain âge qui n’ont pas eu les moyens ou l’opportunité de faire de la course auto dans leur jeunesse et constitue donc une formidable chance de se rattraper ! Il se dit qu’il y aura beaucoup de candidats cette année, places limitées, seuls les premiers inscrits pourront participer !
Le volant est attribué en partenariat avec la marque horlogère 100% française Yema dont Le Fils est directeur de marque et membre du jury, et d’ailleurs Yema a créé une montre Michel Vaillant spécifique basée sur son modèle iconique Rallygraf : elle reprend dans son cadran le dessin caractéristique de la calandre de la Vaillante conçue pour les 24H du Mans 1959 dans l’album Le Grand Défi, justement le nom du stage ! Et cette montre apparait au poignet de Michel Vaillant dans le dernier album de la saga, Pikes Peak, consacré à la célèbre course de côte US.
La Vaillante des prochaines 24H du Mans
En 2017 une voiture aux couleurs Vaillante avait couru au Mans en LMP2 avec l’écurie Rebellion. Il y aura de nouveau une Vaillante au départ des 24H du Mans 2022 en juin prochain. Ce sera une Oreca LMP2 de l’écurie TDS Racing à moteur V8 Gibson de 4,2l. Pour Jean-Louis Dauger, responsable de la marque Vaillante, il ne s’agit pas de sponsoring mais de montrer l’univers Michel Vaillant au grand public dont certains croient que les pilotes et les voitures existent vraiment ! L’opération dot apporter de la visibilité à l’écurie pour l’aider à trouver des sponsors. Elle portera le numéro 13, normalement non attribué en course par superstition mais en référence à l’album Le 13 est au départ.
En conclusion une formidable journée de sport auto dans un univers exclusif et sans prise de tête, où vous pouvez aussi nouer des contacts ou des amitiés !