Mon fils voulait un cabriolet anglais pour emmener sa belle en mariage. En 2016 il trouve cet étrange roadster auprès de Stéphane, un amateur collectionneur qui restaure et loue des voitures anciennes, autant pour les faire rouler que par passion.

Je fais un bref essai de cette auto et je lui trouve un comportement plutôt erratique, la voiture allant un peu où elle veut et demandant de corriger en permanence, comme à la barre d’un bateau ! Mais je lui trouve une bonne bouille façon mérou et le temps lui a acquis de la sympathie malgré (ou grâce à) des lignes curieuses d’inspirations diverses. Les voies des designers anglais sont parfois impénétrables, et éloignées de l’élégance italienne… Je me dis que je profiterai un jour d’un événement pour passer du temps avec, un peu comme un père essaye la voiture de son fils.

L’occasion se présente en 2018 avec une sortie entre amis aux Grandes Heures de Monthléry et la participation au rallye RAFALLE dans les Yvelines. Je vous parlerai d’ailleurs prochainement d’une autre ancienne, voiture familiale transmise de père en fils sur 3 générations…

Mais de quelle voiture s’agit-il ici ?

Stéphane me présente sa voiture, une Daimler SP 250 :

Les modèles sans pare-chocs étaient destinés au marché américain

Nous sommes dans les années 50. Daimler était jusqu’à présent un fabricant de luxueuses limousines qui équipèrent même la Reine d’Angleterre. Ils conçoivent alors un nouveau moteur V8 de 2500 cm3 qu’ils décident de placer dans un roadster sportif à carrosserie en fibre de verre. L’engin sort en 1959 au salon de New-York, avec 140 chevaux pour un poids de 950 kg et 4 freins à disque, ce qui en fait une voiture ultra performante pour l’époque avec 190 km/h.

On perçoit sur le dessin des ailes arrières l’influence américaine du marché auquel elle était destinée

La voiture est fabriquée à Coventry et est destinée principalement au marché américain. C’est dans un désert du Texas que Stéphane a trouvé la sienne, où elle s’était remplie de sable pendant plus de 20 ans ! Ce n’est donc pas une sortie de grange, mais une extraction de désert ! Le chassis est en bon état car la sécheresse l’a préservé. La voiture est ramenée en France et est complètement restaurée en 2015, avec notamment une peinture en vert anglais Jaguar, une sellerie entièrement refaite et quelques aménagements techniques comme un alternateur et un allumage électronique. Stéphane l’a depuis équipée d’une direction à crémaillère, effaçant ainsi son plus gros défaut.

La voiture n’est pas un succès à cette époque et Daimler qui se porte mal est racheté par Jaguar en 1960. La production est arrêtée en 1964 après un peu plus de 2600 exemplaires seulement, car entre temps, Jaguar a sorti en 1961 sa célèbre Type E d’une toute autre facture ! Cette SP 250 est donc pour moi une sorte de dinosaure automobile, ce qui excite ma curiosité. Je n’en avais jamais vu ni entendu parler avant que mon fils la découvre. Une quarantaine d’exemplaires seraient recensés en France.

Le chassis est inspiré des Triumph TR3, les roues avant sont indépendantes, l’essieu arrière est rigide sur ressorts semi-elliptiques. Il y a 4 freins à disque Girling, une grande innovation à l’époque car ils ne sont apparus qu’en 1953 sur les Jaguar des 24H du Mans.

À la conduite

A bord, les sièges sont confortables car ils entourent et maintiennent bien les reins et je n’ai pas ressenti le côté tape-cul de bien des cabriolets anglais. Il y a une banquette arrière mais qui ne conviendra que pour un enfant placé en travers ou plutôt pour des bagages.

L’instrumentation Smiths est assez complète avec les deux gros compteurs (en miles et mph) et compte-tours derrière le joli volant bois Moto-Lita et un groupe de beaux cadrans, jauge à essence, température d’eau, pression d’huile et ampèremètre (Lucas) au centre. Divers interrupteurs à bascule dont un pour le ventilateur complètent l’instrumentation, avec une bizarre commande de clignos qu’il faut aller chercher sous le tableau de bord à gauche. Un très court levier de vitesses commande les 4 rapports avec une première (non synchronisée) et seconde assez longues qui s’accommodent bien de la souplesse du V8.

La capote se ferme par 3 crochets en haut du pare-brise et il faut dégager les boutons pression derrière pour l’ouvrir. La voiture pouvait être équipée d’un hard top.

Les roues à rayons étaient une option

Le frein à main est surprenant, il se verrouille avec un bouton et se déverrouille en tirant dessus avant de relâcher. Ne comptez pas vous en servir en épingle à cheveux et d’ailleurs si la voiture est plaisante et sportive avec son beau bruit elle n’est absolument pas faite pour aller vite, son chassis se tortillant au point d’ouvrir les portes et de casser le pare-brise au début de sa carrière. Voiture de balade avant tout.

Coupe circuit sous le tableau de bord, contact et démarreur au centre, le V8 fait entendre un très joli bruit par ses 2 sorties d’échappement et c’est avec grand plaisir qu’on profitera de sa musicalité tout au long de ces deux jours ! Les petites aiguilles blanches s’animent dans les cadrans, façon avion ancien, et le bruit aidant, capote ouverte, on a l’impression d’être aux commandes d’un avion de chasse à hélice et moteur à pistons. On se fait des double débrayages rien que pour le bruit !

Moteur V8 culbuté à un arbre à cames central, bloc fonte, culasses alliage, deux carburateurs SU

Le pare-brise et les 2 vitres latérales sont enveloppants et madame apprécie le peu de turbulences générées, par rapport à d’autres cabriolets de même style. Le gros moteur devant communique assez vite sa chaleur à l’intérieur, bien appréciée au petit matin frais.

A la conduite, la direction à crémaillère a transformé l’auto en lui donnant la rigueur qui lui manquait. La direction non assistée reste lourde dans les manœuvres ou dans les virages serrés mais ça fait partie du charme.

Les freins ne sont pas assistés et sont naturellement durs. La voiture est plus faite pour la balade que pour la conduite sportive et puis pas question de brusquer cette vénérable auto de presque 60 ans d’âge, immatriculée en collection. Le beau bruit aidant, on s’autorise quand même quelques accélérations et franches montées en régime.

Au final, j’ai trouvé une auto étonnamment moderne et confortable, à la conduite assez proche d’un roadster de maintenant.

Alloclassic

Stéphane exploitait un restaurant en Australie quand il a décidé de tout vendre et de vivre de sa passion des voitures anciennes, qu’il achète, restaure, vend ou loue à Antony. Il travaille également au CNVA (Conservatoire National des Véhicules Anciens), seule école en France qui forme de futurs restaurateurs de véhicules : carrosserie, sellerie, électricité, mécanique… Ils organisent une journée portes ouvertes samedi 8 décembre de 9h à 13h (3, avenue Maurice Ravel à Antony).

Le rallye RAFALLE

Ce rallye touristique est organisé tous les ans par un membre différent d’un groupe spontané d’amateurs d’anciennes, appelé RAFALLE : Rencontre Amicale de Fondus d’Automobiles à Lustrer et Lubrifier Énormément. C’est Claire, propriétaire d’un joli cabriolet VW Karmann Ghia de 1969, qui organisait cette année sur les petites routes secrètes des Yvelines pour une vingtaine d’équipages, allant de l’Amilcar 1925 à l’Audi TT de 2006. Le diapo ci-dessous vous donne un aperçu des autos présentes, avec une mention spéciale pour la très belle Triumph 1800 spider de 1948, avec pare-brise et places passagers arrière… dans le coffre !

 

On en profite pour faire un lien sur le site d’un des participants, http://vinsetvintage.fr, très bien écrit et qui ravira les épicuriens amateurs de bons vins et de belles voitures.


Un excellent article de Boîtier Rouge, avec des pubs d’époque et où l’on apprend que la SP 250 a servi de voiture de police à Londres en 1963 et que son moteur lui survivra pour équiper des berlines Jaguar 240 : en savoir +

Alors la SP 250 ? Bien plus abordable qu’une type E et so british, utilisable au quotidien, vous ne passerez pas inaperçu avec !