La Porsche 917 et la Ferrari 512 sont donc les autres vedettes du film Le Mans. Et vous allez comprendre pourquoi elles ont rendu ce film possible.
Ce sont de purs produits de la réglementation FIA (Fédération Internationale Automobile) qui, pour la saison 1968, réduisit la cylindrée des voitures sport-prototypes à 3 litres de cylindrée, comme en Formule 1. Cette mesure visait à éviter une dangereuse escalade des performances, notamment dans la redoutable ligne droite des Hunaudières qu’on parcourait à fond sans aucune chicane à l’époque. Les Ford victorieuses au Mans en 66 et 67 cubaient jusqu’à 7 litres de cylindrée et roulaient à 340 km/h dans les Hunaudières !
Mais pour ne pas fermer la porte aux voitures américaines, la FIA autorisa 5 litres de cylindrée pour des voitures de petite série, dites voitures de sport, construites et homologuées à 50 exemplaires autour des gros blocs V8 américains Ford et Chevrolet. Cela permettra le succès de la Ford GT40 (et aussi de la Lola T70 Chevrolet) qui s’imposa au Mans en 68 et 69 et dont il existe des versions routières immatriculées. Porsche et Ferrari continuèrent dans la voie des sport-protos de 3 litres, plus agiles, et l’équilibre était réel entre les deux concepts car si Ford s’imposa au Mans encore deux fois avec sa GT40 5 litres, Porsche trusta les victoires en championnat du monde d’endurance avec ses 908 3 litres.
Pour la saison 1969, la FIA annonça baisser le seuil d’homologation des sport 5 litres à 25 exemplaires seulement. Ni une ni deux, Porsche décida de remiser ses 908 au garage et de construire … 25 prototypes de 5 litres, la Porsche 917 ! Sentant venir l’arme absolue, Ferrari tenta de répliquer et construisit pour la saison 1970 25 prototypes de 5 litres, la Ferrari 512S.
Sur le plan sportif, la Porsche 917 domina largement les saisons 1970 et 1971 où elle remporta deux fois les 24H du Mans, avant que la FIA ne change à nouveau les règlements, ouvrant l’ère Matra-Simca, mais c’est une autre histoire. La Ferrari 512S servit surtout de faire valoir à la 917. Elle était handicapée par des problèmes de conception, le fait que l’usine menait parallèlement un programme Formule 1 et les contraintes d’homologation bridaient les évolutions possibles. Elle évolua en 512M (modificato) dès 1970 et ne remporta que les 12H de Sebring 1970 en championnat du monde.
D’un coup un grand nombre de voitures de course performantes étaient disponibles sur le marché et elles firent le bonheur de nombreuses écuries privées qui allaient pouvoir rivaliser avec les voitures d’usine et faire rouler des pilotes de talent qui n’avaient pas trouvé de place dans les baquets usine. Le malheur de certains aussi car ces voitures étaient démoniaques et coutèrent la vie au pilote amateur anglais John Woolfe sur 917 dans le premier tour des 24H du Mans 1969. Ce fut d’ailleurs la dernière année où les voitures prirent le départ en épi, les pilotes courant depuis l’autre côté de la piste et s’arnachant en route…
Ces voitures étaient aussi relativement faciles à mettre en œuvre et ne nécessitaient pas comme aujourd’hui une armée d’ingénieurs rivés derrière une batterie d’ordinateurs pour simplement… démarrer ! Dans l’esprit du Mans de l’époque elles étaient capables de rouler sur la route et donc de faire les nombreux petits allers-retours et manœuvres nécessités par le tournage d’un film. Une 512M courut d’ailleurs le Tour de France Auto en 1971 et les 917 comme les 512 furent engagées à la Targa Florio qui parcourait les petites routes des montagnes de Sicile en traversant les villages…
Le grand nombre de voitures disponibles à coût modéré puisque construites en petite série et cette facilité d’utilisation contribuèrent grandement à la possibilité de tourner un tel film.
25 voitures ont été utilisées pour le tournage : Porsche 917, Ferrari 512 bien sûr, Matra, Chevron, Corvette… et aussi des Lola T70 recarrossées en 917 ou en 512 pour les scènes d’accident et une incroyable Ford GT40 transformée en spyder avec caméra tourelle. Une Porsche 908 équipée d’une énorme caméra embarquée de l’époque, une première, a pris le départ des 24H du mans 1970 pour tourner des scènes de l’intérieur de la course sur la piste.
Porsche 917
La 917K était la version courte et la 917 LH la version à queue longue pour Le Mans. Elle a été dévoilée au Salon de Genève en mars 1969. La voiture était équipée d’un moteur flat 12 refroidi par air de 4,5 puis 4,9 litres de cylindrée. Elle développait 580 chevaux au début pour un poids d’environ 800 kg et fut capable d’atteindre 380 km/h. 65 voitures furent finalement construites avec les évolutions spyder pour les courses Interséries en Europe et CANAM en Amérique du Nord lorsqu’elles furent exclues du championnat du monde d’endurance en 1972.
Ferrari 512S et 512M
Les 25 Ferrari 512 ne furent prêtes qu’en janvier 1970 pour les 24H de Daytona. Elle était équipée d’un moteur V12 de 560 chevaux refroidi par eau et elle était beaucoup plus lourde que la 917. Comme la 917 elle reçut une queue longue pour les pistes rapides et termina sa carrière dans les courses Interséries et CANAM, avec beaucoup moins de succès.