Maserati ! Un nom qui fait rêver, certes pas aussi prestigieux que Ferrari, et qui a connu une histoire mouvementée. Les Maserati n’en sont que plus rares et deviennent progressivement des collectors même pour les plus récentes. Et particulièrement exclusives : songez que quand Porsche faisait 1000 voitures, Maserati n’en faisait que 10 … Et elles sont encore aujourd’hui à des prix inférieurs à ceux des Porsche qu’on trouve pourtant à tous les coins de rue. Un gros vendeur de voitures de sport parisien me disait : gardez vos V8 et vos V12 ! On n’en fera plus …
Un peu d’histoire … compliquée !

La marque Maserati a été créé en 1914 par une fratrie de 7 frères qui ont joué des rôles divers. Alfieri et Ettore Maserati sont vraiment les créateurs originaux, l’ainé Carlo s’étant tué en course. Mario l’artiste est supposé avoir dessiné le trident emblème de la marque. Alfieri et Ettore réalisent leur première voiture de course, la Tipo 20, chez la firme Diatto, constructeur de voitures de sport et de course, en 1922. Ils se mettent à leur compte en 1926 et la première vraie Maserati, la Tipo 26, gagne la Targa Florio cette année-là.
Les frères vendent leurs parts à la famille Orsi en 1937 et Maserati s’installe à Modène en 1940, puis sort après la guerre ses premières sportives de route en 1946. Il faut attendre 1957 pour voir s’installer une chaine de production. Maserati sort la première Quattroporte en 1963 et la fameuse Ghibli qui crève l’écran dans le film La Piscine en 1966, mais connait des difficultés financières régulières.
Maserati passe alors sous contrôle Citroën en 1968 et donne son moteur V6 à la SM. Durant cette période, Maserati sort les modèles Bora, Merak et Khamsin équipés de ce V6 et de certains équipements Citroën pas toujours heureux. On ne marie pas comme ça une carpe et un lapin ! Ce moteur équipe aussi la Ligier JS2.
La marque est abandonnée par Citroën en 1975 et passe sous le contrôle d’une société d’état chargée de redresser les entreprises en difficulté, Elle est reprise par Alejandro de Tomaso. Cela donne la Biturbo, la Racing, la Barchetta, la Ghibli II et la Shamal.
En 1983 l’entreprise connait une brève période Chrysler qui se retire, ainsi que De Tomaso.
Elle est reprise par Fiat en 1987 qui finit par la fusionner avec Ferrari son éternel adversaire en 1997. C’est probablement la meilleure période des Maserati de route, celle qui nous intéresse ici, car contrairement à l’artisan Maserati, Ferrari était déjà un vrai industriel qui produisait des voitures en série sur des chaines robotisées et des machines à commande numérique. Il va donc fiabiliser la production Maserati et notamment remplacer le V8 biturbo de la 3200 GT par son V8 dérivé de la course et produit à Maranello, un atmo 4,2 litres 4 ACT à carter sec et fiablisé avec une distribution à chaîne. Ce moteur dit F136 équipera les 4200 GT, GranSport, Quattroporte et GranTurismo dans différentes évolutions, ainsi que les Ferrari 430 et 458, Gillet Automobiles, les monoplaces de la série A1 Grand Prix en 2008-2009 (600 chevaux) et l’Alfa Roméo 8C Competizione. Il équipera même un proto de moto à 4 roues Lazareth, préparateur fou bien connu du côté d’Annecy ! C’est sur ces modèles de Maserati que travaille principalement notre hôte du jour, Sportina Design.

En 2021 la marque tombe hélas dans le giron du groupe Stellantis issu de la fusion du groupe PSA et de Fiat Chrysler Automobiles, dont on connait quelques errements marketing précédents (ils ont tué Simca, Talbot …). Finis les V6, V8, V12, on entre dans une triste ère électrique et ces sinistres marketeurs, ne sachant plus quoi faire d’une marque aujourd’hui mal en point (vous achèteriez une Maserati électrique vous ?), seraient bien capables de nous badger Maserati une prochaine Citroën C2 ou Peugeot 107 électrique !
On retiendra surtout de l’histoire sportive de la marque sa grande rivalité avec Ferrari en endurance, à la Targe Florio et en Formule 1, dont un épisode est décrit dans le film Ferrari. Ah la Maserati 250F de Fangio en 1954 !

Sportina Design
C’est à l’occasion d’une expertise sur une 4200 GT à boite manuelle de 2005 qui va passer en « collection » chez son assureur, et qui entre désormais dans la catégorie des Youngtimers, que j’ai visité Sportina Design chez qui l’expertise a été réalisée. Bien m’en a pris, car c’est bien Ludo, 38 ans, le jeune patron de Sportina Design, qui a guidé l’expert sous la voiture pour lui montrer ce qu’il fallait regarder et l’aider à identifier précisément le modèle.
Quand avez-vous créé Sportina Design ?
« Le nom Sportina date de quand je faisais des préparations scooters. L’entreprise a été créée il y a 15 ans en individuel puis en SAS en 2017. Au départ il y avait 2 entités, Sportina pour l’atelier et Sportina Design pour les prépas. J’ai gardé Sportina Design mais tout le monde m’appelle Sportina. »

Vous êtes combien ?
« 7 à 8 par périodes, avec des CDD, des apprentis et des intervenants ponctuels. »
Votre spécialité c’est Maserati
« Oui, principalement 3200 GT, 4200 Coupé (c’est le vrai nom), GranSport qui est une finition particulière de la 4200. On fait de la Quattroporte et Quattroporte GrandSport et GranTurismo.
On a aussi quelques plus anciennes comme la Shamal qui a le V8 biturbo de la 3200, des biturbo Racing (230 exemplaires de 1990 à 1992), Nous avons aussi des protos qui ne roulent que sur circuit.
Maserati 320S Vittoria, proto conçu en 2022 sur base d’une 3200 conduite à droite avec le Lycée Mistral de Marseille
Article dans le forum Maseratitude
Notre vocation est de reprendre le flambeau aussi bien que Maserati pouvait le faire à l’époque 15 à 30 ans en arrière. Nous avons des refabrications en Italie pour les pièces anciennes, ou chez Birdcage en France par exemple, très spécialisé dans les anciennes Maserati. Ils refont tout ce qui est difficile à trouver aujourd’hui. Même sur une 4200 il commence à y avoir des pièces difficiles à trouver. »
Que faites-vous comme préparations ?
« On fait des prépas sur les 3200, 4200, Spyder, GranSport, GranTurismo, GranCabrio, Quattroporte et on va s’attaquer au Levante, à la Ghibli, à la Quattroporte III. »
En quoi consistent les préparations ?
« Améliorer le design original en le rendant plus sportif et en augmentant les appuis aéro, et adapter la voiture à la piste avec des gros freins. Nos améliorations visent à rester exploitables sur route ouverte tout en améliorant les performances piste. En suspension on va augmenter les barres stabilisatrices et rigidifier au maximum en téflonant tous les silent blocs et bagues de suspension. Nous nous adaptons à chaque client. Certains veulent garder le confort sur route, d’autres veulent faire du trackday avec du téflon partout, des rotules renforcées, des amortisseurs de compétition. Les budgets peuvent aller de 1500 € pour simplement améliorer de façon sensible le comportement de la voiture à 32000 € pour une prépa complète trackday.
La plupart du temps on va mettre 3000 € sur les trains roulants et ensuite alléger avec des pièces de carrosserie carbone qui font gagner 120 kg. Avec les portes carbone pas encore homologuées on gagnera plus de 200 kg. »
Moteur ?
« Officieusement on ne fait rien. Pour des prépas circuit on va pousser le moteur 4200 à 440 chevaux et le 4,5 litres de la GranTurismo à 495 chevaux. »
Pourquoi passez-vous les voitures à l’UTAC ?
« Pour homologuer route les transformations et valider la préparation. L’UTAC fait l’analyse et la DRIRE l’homologation. On garde la même carte grise, ce qui évite les 60 k€ de malus écologique. Chaque véhicule est homologué tel quel et c’est sécurisant pour nous qui ne sommes pas constructeur, comme pour le client. Nous faisons homologuer une dizaine de voitures par an. »
Nota : fin mars Sportina Design aménagera dans de nouveaux locaux dans la région.
Bilan de l’expertise
Sur cette 4200 GT de 2005 affichant 67000 km, Ludovic a identifié, sans que rien ne soit urgent, des joints suintants de cache-culbuteurs et de puits de bougies, des rotules supérieures avant à changer (on ne touche pas aux triangles et à leurs bagues) et un cache-poussière sur un triangle inférieur arrière droit qui coûte à lui seul 5 heures de MO pour une pièce à 8 euros.
Il s’agit d’une phase 2 à chassis plus ferme, roues de 18, fonds de compteurs bleus, forme de calandre reprise sur la GranSport (les grilles varient) et système MSP de contrôle de stabilité. Celle-ci n’a pas les suspensions pilotées.
La boite manuelle est le vrai plus de cette auto par ailleurs très saine, qui en justifie le prix élevé estimé par l’expert. Sportina Design envisage d’ailleurs de faire des retrofits de Cambiocorsa en boite manuelle. Je lui ai demandé s’il pouvait me faire une grille alu comme sur les Ferrari mais il semble qu’il y a un peu trop de jeu latéral dans le levier. À voir …
À noter l’intervention là encore de Ferrari qui a placé la boite à l’arrière sur la 4200, contrairement à la 3200, pour un meilleur équilibre et répartition des masses. Pour moi, la 4200 a la même architecture et les mêmes performances que les mythiques 275 GTB4 et Daytona, la sécurité en plus avec les aides à la conduite.

Sur ce diapo, une coupé et une GranSport côte à côte :
Sportina Design
70 allée de Vienne, 83870 Signes (près du circuit Paul Ricard)