Rosalie Dadinos Speedster

Incroyable ! Il nous faut vous conter l’histoire de cette voiture unique au monde et d’une rare élégance, qu’un passionné de Voisins le Bretonneux (Yvelines) a décidé de ressusciter. Et je crois que nous sommes les premiers à vous la révéler sous sa forme finale, grâce à une indiscrétion de l’Amicale Facel-Vega (merci Alain P.), la voiture étant encore en cours de mise au point et n’ayant roulé que quelques kilomètres.

Rosalie Daninos

Jean Daninos est le créateur de la marque Facel-Vega qui a produit des voitures de luxe d’une certaine élégance à la française de 1954 à 1964. Mais avant cela, Jean Daninos travaillait déjà dans l’automobile dans les années 30, chez Citroën où il est entré à l’âge de 22 ans en 1928.

La Rosalie

La Rosalie YaccoLes années 30 chez Citroën, c’était la Rosalie, produite de 1932 à 1938. Un exemplaire préparé pour la course et sponsorisé par Yacco parcourt 300 000 kilomètres en 134 jours à plus de 93 km/h de moyenne en 1933 sur l’anneau de Monthléry, établissant 106 records mondiaux.

Jean Daninos travaille au développement des coupés et cabriolets de la Traction qui sera lancée en 1934. Probablement pour occuper son temps libre (!) il décide de se créer sa propre voiture personnelle en 1933 sur la base d’une Rosalie 15, et qui préfigure peut-être ce que sera le cabriolet Traction. Ce sera donc un cabriolet 2 places aux lignes élégantes inspiré par les grands cabriolets américains de l’époque comme la Chrysler Imperial 8 : capot long et habitacle court s’arrêtant avant l’essieu arrière. A cet effet, il allonge de 20 cm les capots et les ailes et dynamise les lignes de la Rosalie. Il reprend aussi des pièces de Citroën C4 et C6 de l’époque. Il reprend même des voies de 1,42 m pour s’aligner sur celles des voitures américaines sur les routes à ornières ! La carrosserie est réalisée chez le célèbre carrossier de  l’époque, Figoni.

Hélas cette voiture unique a disparu sans laisser de traces et il n’en reste que des photos et dessins dans les archives Citroën et de l’Amicale Facel-Vega qui possède la marque de son créateur.

Rosalie Daninos

Jean LassalleAlain Lassalle

Alain est vicinois. Ingénieur à la retraite et passionné d’automobile ancienne, ayant restauré une Simca 5 Berlinette Le Mans de 1939, une Renault Monastella de 1929 et une Jaguar Mk II de 1963. Il a derrière lui une longue carrière automobile au développement de prototypes chez Citroën, rue Balard dans le XVème arrondissement, puis à Vélizy jusqu’en 1989, ensuite chez Matra Automobiles aux Clayes sous Bois à l’époque des Renault Espace, puis enfin au bureau d’études automobiles D3 à Courbevoie dans les anciens ateliers Delage. Il a donc un savoir-faire inégalable de mécanicien, tôlier et designer de concept cars.

Photo d’époque et dessins de Alain Lassalle dans son garage
Le chassis a été récupéré sur cette épave

En 2012 il décide de s’attaquer à un projet autrement plus ambitieux et un peu fou, ressusciter le plus fidèlement possible la voiture de Jean Daninos ! Il dessine ses propres plans à partir des dessins et photos d’époque, trouve sur Le Bon Coin (!) un vieux chassis de Rosalie camionnette à l’état d’épave, un moteur de Rosalie 6 cylindres et tout un tas de pièces qui vont lui servir. Il cherche dans les casses automobiles les profils et galbes de tôle qui lui conviennent, qu’il découpe, façonne et assemble par pontets et vis parker patiemment dans un tout petit garage de pavillon de moins de 2,90 m de large ! Les assemblages sont ensuite soudés et polis avec l’aide de l’atelier de carrosserie-peinture de Franck Boête à la Ferme du Bout des Prés (Senlisse).

le chassis restauré avec tous les éléments mécaniques en place

Le tableau de bord provient d’une Rosalie et est encastré dans un auvent et tablier de Citroën C4.

Rosalie daninos

Pour l’accastillage chromé il achète chez le fabricant Renel des pièces vintage dans le style de l’époque, ou bien utilise des pièces d’origine comme ces superbes phares Marchal Aerolux de 140 mm de diamètre. Ces phares ont la particularité d’avoir un voyant sur le dessus visible du conducteur, évitant un voyant au tableau de bord, et Jean y a intégré les ampoules de clignotants.

On admire le voyant de température d’eau intégré au bouchon de radiateur, visible du conducteur, ou encore la montre Jaeger-Lecoultre intégrée au petit rétroviseur intérieur.

La sellerie d’un très beau simili-cuir a été réalisée par un autre artisan, Jacky Laure de Voisins le Bretonneux. Comme il avait la place, Alain a décidé d’installer une banquette arrière derrière les deux sièges rabattables. La voiture de Daninos avait un volant plus reculé et vraisemblablement 2 places.

Comme la carrosserie s’arrête au droit des sièges, Alain a installé une malle arrière entièrement originale et indépendante, à l’ingénieux dispositif d’ouverture sur parallélogramme à base d’articulations de capot de DS, afin d’éviter une interférence avec la capote. Elle est constituée de bouts de tôle de malle de Traction, assemblés et soudés, afin d’éviter d’avoir trop de travail de formage. Le porte bagages est de série Rosalie 15, avec des articulations originales.

De même Alain a dû résoudre l’interférence du déflecteur latéral avec le parebrise à l’ouverture des portes… Il n’y en avait pas sur la voiture de Daninos.

Les pare-chocs sont de la Rosalie 15 Grand Luxe.

La capote a été réalisée sur des arceaux de MG TF, adaptés au besoin.

Les roues de Rosalie sont montées avec des pneus américains Goodrich Silvertown à flancs blancs en 6.00-16.

Pour avoir aperçu un jour la voiture en construction, jamais je n’aurais imaginé qu’il en sorte une telle merveille qui a requis 5000 heures de travail étalés sur 6 ans !

Moteur-boite

D’origine c’est un Citroën 6 cylindres 2,7 litres à soupapes latérales, produit à environ 10 000 exemplaires pour l’automobile et qui a continué ensuite en poids-lourds. Celui-ci a été profondément modifié par un kit de la société Bernard à Lyon avec un bloc moteur et une culasse à soupapes culbutées. Les cylindres et pistons sont augmentés pour passer à 3,4 litres. Cette augmentation de cylindrée était destinée à les passer au gazogène durant la guerre, afin de compenser la perte de rendement. De série ne restent donc que le bac à huile, les pompes, l’arbre à cames, le vilebrequin et les bielles. Il est ici rééquipé d’un carburateur Zenith Stromberg qui était monté sur les camions Citroën et Dodge.

Rosalie Daninos

Rosalie Daninos

Dans cette configuration le moteur devrait développer entre 75 et 80 chevaux au lieu de 55 pour le 2,7 litres de base, ce qui devrait donner une vitesse de croisière de 90 km/h, estime Alain, même si Daninos déclarait rouler à 140 avec un moteur normal.

La boite est une trois vitesses de Rosalie. Seuls les pignons de 2 et 3 sont hélicoïdaux et donc silencieux.

Allumage à rupteurs et bobine.

Aujourd’hui

Alain poursuit la mise au point de son auto avec comme objectif de l’exposer à Automedon au Bourget qui fêtera les 100 ans de Citroën le 12 octobre 2019. Mais pour moi cette voiture unique est digne des plus grands concours d’élégance, de Chantilly à Pebble Beach, et nul doute qu’on la verra bientôt dans des écrins à sa mesure !